Les oubliés de la mine d’Old Creek, par Leroy Bordeaux


On a beaucoup parlé, dans les médias, des troubles qui ont eu lieu à Old Creek, Arizona. On a condamné ces activistes amérindiens — certains les ont même qualifiés de terroristes — qui ont occupé une ancienne mine, bravant pendant plusieurs jours les ouvriers de la Ghost Mining et les forces de police. Certains journaux ont vaguement évoqué les raisons de leur geste : protéger un site sacré navajo. Mais personne ne semble s’être intéressé plus profondément au passé de la mine d’Old Creek.
Il est vrai que la tragédie qui s’y est déroulée, il y a 140 ans, n’est qu’un épisode de plus dans la triste histoire du peuple amérindien. Mais elle illustre bien les ravages de cette fièvre de l’or, qui frappa les Blancs, mais tua bien souvent les Indiens.
Dans les années 1870, Old Creek fut l’une de ses villes-champignons qui se développèrent brusquement, à la faveur d’une rumeur promettant la fortune à tous les prospecteurs, avant de se vider aussi vite, une fois les espoirs déçus.
Un homme, pourtant, n’avait pas renoncé à faire fortune à Old Creek. Andrew Brewster, le dernier gros chercheur d’or de la région, acheta la mine d’une famille sur le départ, persuadé d’y avoir trouvé la trace d’un filon prometteur. Il est probable que, dans son aveuglement, il ait été victime de la fameuse technique du « salting », qui consistait à semer des pépites sur une parcelle, avant de la vendre à un pigeon.
Hélas, quelques familles navajos, revenues depuis peu de leur déportation au Nouveau-Mexique, avaient installé leurs hogans à proximité de la mine. Ils n’étaient pas belliqueux, mais Andrew Brewster se sentit pourtant menacé dans son statut de propriétaire. Il annonça que les Navajos avaient attaqué sa mine, et organisa une expédition punitive pour se débarrasser d’eux.
On ne sait pas combien de Navajos furent tués par Brewster et ses recrues, mais ils furent probablement plusieurs dizaines, hommes, femmes et enfants. S’il y eut des survivants, ils ne se firent jamais connaître. En revanche, il y eut bien quelques ouvriers pour témoigner de la façon dont Andrew Brewster, pour dissimuler son crime, fit jeter les corps des Indiens au fond de sa mine, dans une fosse qu’il dynamita pour les ensevelir à jamais.
Ce massacre resta longtemps oublié de tous, ou presque. Il a fallu qu’une poignée de militants vienne semer le trouble sur l’exploitation d’une grosse société minière, pour que ressurgisse le souvenir des martyrs d’Old Creek. Peut-être va-t-il être maintenant possible de leur offrir une sépulture décente, pour que leur esprit trouve enfin la paix.

Wounded Knee, terrain à vendre, par Charlie Blackhorse


Il est des endroits qui ne semblent jamais devoir trouver la paix. Où les esprits seront toujours tourmentés par la colère et l’humiliation. Wounded Knee est de ceux-là.

Après le massacre de près de 400 Lakota Miniconjou, hommes, femmes et enfants, par les tuniques bleues, le 29 décembre 1890 ; après l’ensevelissement sans sépulture des victimes de ce crime d’état dans la terre gelée de cette contrée désolée ; après la glorieuse résistance des militants de l’AIM, en février 1973, pour faire valoir les droits des Amérindiens, Wounded Knee devrait être le site le plus sacré de notre peuple. Eh bien non. Officiellement, ce n’est qu’un terrain privé, appartenant à un Blanc, au milieu d’une réserve indienne. Un de plus, me diriez-vous ?

M. James Cwyvczynski, de Rapid City, a acheté en 1968 un terrain d’un hectare et demi, situé juste à l’endroit où s’est déroulé le massacre de 1890. Il n’y a vécu que 5 ans, avant de fuir devant les partisans de l’AIM, au cours du siège de 1973. Depuis, cette terre est inoccupée, mais reste la propriété de M. Cwyvczynski. Et voici que ce dernier annonce qu’il met en vente Wounded Knee pour la bagatelle de 3,9 millions de dollars.

Ce prix vous paraît excessif ? Surtout quand on connaît le peu de valeur des terres incultes de la réserve de Pine Ridge. C’est aussi l’avis du conseil tribal de la réserve, qui estime le prix de ce même terrain à 7000 $. Mais, selon M. Cwyvczynski, le montant qu’il demande est en accord avec la valeur historique et sentimentale du lieu.

Vous apprécierez le cynisme : ce lieu est sacré pour les Lakota, dont le sang a été versé là, et cela justifierait qu’on leur demande une somme astronomique pour le récupérer. Somme que les Amérindiens de Pine Ridge, dont on connaît la pauvreté, seraient bien incapables de payer. Mais cela ne semble pas déranger M. Cwyvczynski, qui ne connaît qu’une loi dans cette affaire : celle du marché.

D’ors et déjà, le président du conseil des Sioux Oglala, Bryan V. Brewer, a annoncé qu’il saisirait la justice fédérale pour régler cette affaire, afin que sa tribu n’ait pas à payer plus que la somme légale pour récupérer cette terre qui lui revient de droit. Espérons que sa démarche aboutira, et ce, dans un délai raisonnable. Peut-être les morts de Wounded Knee pourront-ils alors enfin reposer en paix, sous une terre pleinement lakota.





















Le gourou James Arthur Ray condamné pour négligence, par Leroy Bordeaux



Le gourou James Arthur Ray, poursuivi après la mort de trois personnes asphyxiées dans une parodie de hutte de sudation, a été reconnu coupable de négligence. Un verdict clément pour ce célèbre partisan du « self-help », qui avait tout d’abord été inculpé pour homicide.

On se souvient des faits : en octobre 2009, James Arthur Ray organisait une « retraite spirituelle », à Sedona, Arizona. Une soixantaine de personnes, ayant payé la bagatelle de 9000 dollars, s’étaient réunies pour un rituel singeant les pratiques curatives des Premières Nations. Au terme d’un jeûne de 36 heures, elles furent invitées à une « cérémonie de purification », dans un sauna de fortune : en fait, une immense fosse creusée à même le sol, couverte de bâches étanches, sans rapport avec les huttes de sudation que les Amérindiens savent fabriquer depuis des temps immémoriaux.

Trop nombreux, pour une cérémonie trop longue, dans un lieu inadapté au sauna, les adeptes ne tardèrent pas à se sentir mal. Mais, malgré leurs supplications, James Arthur Ray leur interdit de sortir. Mieux, c’est lui-même, qui finit par quitter la loge mortelle, laissant ses disciples enfermés !

Au terme de ce fiasco, trois personnes trouvèrent la mort, et dix-neuf autres furent hospitalisées. Le bilan aurait pu être plus lourd.


La sentence prononcée contre James Arthur Ray paraît bien indulgente. Surtout, elle ne risque pas de dissuader tous ceux qui, en exploitant la spiritualité amérindienne, sèment la mort.

Pendant des siècles, les Natifs ont pratiqué le rituel de sudation, sans que personne n’en soit victime. Puis, les Blancs ont décidé de s’en emparer pour en faire le commerce, et en moins de trente ans, sept personnes en sont mortes. C’est du moins ce qu’on sait, car il semblerait que certains de ces apprentis chamans aient réussi à cacher les drames qu’ils ont causés. Jusqu’à présent.

La méthamphétamine, nouveau fléau des réserves indiennes, par Jim Walter Bear



On sait tous que l’alcool est le grand mal qui ravage les Amérindiens des États-Unis. Ils en sont victimes depuis si longtemps, et de façon si répandue, que le Peau-Rouge qui cuve son vin sur le bord de la route est devenu un véritable lieu commun. Mais on sait moins que, depuis quelques années, une nouvelle menace frappe la population indienne : la drogue.
N’allez pas croire que dans leurs réserves reculées, les Natifs cultivent des plantes médicinales ancestrales, aux vertus hallucinogènes. La réalité est moins romantique : comme dans les autres communautés défavorisées de ce pays, c’est la méthamphétamine qui fait des ravages dans les réserves.
Le Crystal, ou Meths, comme on a coutume de l’appeler, est une drogue de synthèse bon marché,dont le pouvoir d’addiction est important, et très rapide. Il a fait son apparition sur la côte ouest des États-Unis vers 1985. Au cours des années 1990, il s’est répandu dans tout le pays. Les Amérindiens des réserves, durement touchés par le chômage et la pauvreté, et que la dépendance à l’alcool rendait plus vulnérables à une nouvelle dépendance, sont apparus comme une cible de choix pour les trafiquants de meths. D’autant que les effectifs de police, relativement faibles pour contrôler de vastes zones peu peuplées, ne sont pas suffisants pour empêcher le trafic. La consommation de drogue dans les réserves a considérablement augmenté dans les années 2000, surtout dans la région des Grandes Plaines et dans l’Ouest. En 2006, une étude montrait que 1,7 % des Indiens prenaient de la méthamphétamine, contre 0,7 % des blancs. 

A titre d’exemple, on peut citer une importante affaire liée au trafic de méthamphétamine, qui a eu lieu dans la réserve de Wind River, Wyoming.
En 2000, un trafiquant mexicain, Jesus Martin Sagaste-Cruz, décide de s’inspirer des magasins d’alcool proches des réserves pauvres,comme celle de Pine Ridge, qui font fortune grâce aux Indiens. Les plus grosses ventes se faisant immédiatement après que les allocations du Conseil tribal aient été versées. Jesus Sagaste-Cruz se dit que si on peut gagner des millions en vendant de l’alcool aux Indiens, on doit pouvoir le faire en leur vendant des meths. 
Les membres du gang mexicain choisissent donc de s’attaquer à la Réserve de Wind River, dans le Wyoming. Ils s’installent sur le territoire de la réserve, ou à proximité, et commencent par offrir des doses gratuites de méthamphétamine aux habitants. Ils cherchent notamment à séduire des Indiennes, pour les initier ensuite aux meths et les rendre dépendantes. Peu à peu, le gang se constitue une clientèle pour sa drogue, et un réseau de petits dealers locaux qui la distribuent dans la réserve. Au cours des années suivantes, la consommation de drogue à Wind River explose. Le gang Sagaste-Cruz importe la méthamphétamine du Mexique, et la revend sans être inquiété par la police, qui manque de personnel, de moyens et de formation pour lutter contre le trafic de stupéfiants. 
Mais la lutte contre le trafic de drogue à Wind River s’organise à partir de 2004, grâce à l’entente entre plusieurs services de police : la police locale, constituée d’agents du BIA, la police d’Etat du Wyoming, et la DEA. Plusieurs vagues d’arrestation ont lieu en 2005. Au mois de mai, c’est un réseau de dealers indiens, les Goodman, qui est démantelé, et 19 personnes sont arrêtées. Ce gang familial était dirigé par les grands-parents, John et Donna, âgés de 64 et 63 ans, et toute la famille, enfants et petits-enfants, participait à la vente de méthamphétamine et d’autres produits stupéfiants. Parmi les personnes arrêtées, on trouve également une juge tribale, Lynda Munnell, la soeur de Donna. 
Jesus Sagaste-Cruz est arrêté à son tour, et condamné à la prison à vie, le 7 juillet 2005. Son frère Julio, lui-même membre du gang, échappe à la police. Il est toujours en fuite à ce jour.

Comme on le voit dans le cas de Wind River, le gouvernement fait preuve de bonne volonté pour lutter contre le trafic de drogue dans les réserves indiennes. La collaboration entre forces de police, locales et fédérales, était une étape indispensable pour combattre efficacement les réseaux de trafiquants. De plus, des fonds ont été débloqués en 2008 pour aider le BIA et les polices tribales dans cette bataille. Et une formation à la lutte anti-drogue est maintenant dispensée à l’Indian Police Academy. Les services de justice du BIA ont en outre organisé un programme de protection des témoins spécifique aux Amérindiens des réserves. A cela s’ajoute différents programmes de prévention contre la drogue (notamment envers les jeunes) et d’aide à la désintoxication. Malgré tout, le problème de la méthamphétamine reste très aigu, et le nombre de victimes de cette drogue ne semble pas prêt à diminuer.

Le président préféré des First Nations, par Leroy Bordeaux

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Leonard Peltier sortira-t-il vivant de prison ? par Charlie Blackhorse

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